L’école anglaise rend-elle nos enfants plus heureux?

Si l’on en croit une étude récente, les enfants éduqués dans le système anglais auraient plus de chances d’être heureux. L’école anglaise, en mettant l’accent sur l’estime de soi, en ferait des adultes plus confiants. 

 

 

 Pour ceux d’entre nous qui sommes expatriés du système scolaire français mais qui éduquons nos enfants dans le système d’Etat anglais, l’expérience des premiers rendez-vous  parent-teacher  peut être déroutante, voire frustrante. L’institutrice s’acharnera à rester vague quant au niveau du petit Damien dans sa classe et insistera plutôt sur son magnifique dessin de la poule qui fait « cluck cluck ». 

 

Les années passeront et vous aurez toujours ce sentiment frustrant de ne pas connaître le rang de votre enfant par rapport à la classe. Car en effet, l’approche de l’école publique anglaise consiste à évaluer un enfant non pas par rapport aux autres, mais plutôt par rapport à ses propres objectifs individuels d’acquisition de connaissances et de compétences.

 

L’enfant fait donc des progrès, ce qui renforce son sentiment de réussite, même s’il n’est pas au niveau du reste de la classe. 

 

 C’est précisément cette approche qui en fera un enfant plus heureux. C’est en tous cas ce que soutient Claudia Senik de l’Ecole d’économie de Paris, experte du « bien-être dans l’économie », et auteur d’une étude cherchant à savoir pourquoi les français sont, de façon chronique, parmi les plus malheureux d’Europe dans les sondages globaux sur le bien-être, et ce depuis les années 70.

 

Les Anglais et encore d’avantage les scandinaves se disent plus heureux et ce, malgré le climat ! Sa conclusion ? L’école primaire est le facteur déterminant de l’inaptitude des français au bonheur.  La preuve : les Français immigrés de 1ere génération se disent plus malheureux s’ils sont passés par l’école française avant l’âge de 10 ans que s’ils ont arrivés après cet âge. 

 

Pour quelles raisons ? Plusieurs hypothèses sont avancées. Cette inaptitude au bonheur des français pourrait s’expliquer par un sentiment d’échec acquis à l’école, et qui les suit tout au long de leur vie. L’école française serait en effet élitiste et unidimensionnelle, toujours selon Claudia Senik.

 

On y privilégie les 5% doués en maths et en français. En revanche, si les enfants excellent en sport, en peinture, en musique ou en conduite de projets, on s’en « fiche complètement».

 

De plus, le système de classement de notes de 0 à 20 finit par produire des enfants qui se perçoivent toujours comme moyens. Si on les évaluait en dehors de ce classement, ils seraient plus confiants. 

 

C’est une théorie intéressante surtout lorsqu’on compare l’école française à la State School anglaise. Les expatriés dont les enfants ont intégré le système public anglais sont plutôt d’accord: l’école anglaise met beaucoup plus l’accent sur l’estime de soi dans toutes ses formes. Dans cette optique, le classement par notes est évité.

 

Emmanuelle Wautriche, dont les enfants ont eu l’expérience des deux systèmes, donne l’exemple de la redoutable dictée: «Le système de notation de la dictée en France fait que l’on arrive très facilement à zéro », une approche qui serait considérée humiliante en Angleterre. 

 

Peggy Esculpavit-Dupret, institutrice française ayant deux enfants à la petite école anglaise, et enseignante au Petit club français d’Oxford, a aussi remarqué une différence dans l’approche générale: « Les enseignants ici sont plus positifs, moins cassants».

 

Si un enfant se fait réprimander, c’est suivi d’une explication.  « Alors qu’en France », ajoute-elle, « on dit « non » tout court ». Pour elle, le curriculum français reste beaucoup basé sur l’écrit, peut-être à cause de la difficulté de langue française, ce qui laisse moins de temps pour le développement des compétences dans les autres matières. 

 

Il est certainement intéressant de s’amuser à comparer les valeurs qui soutiennent les pédagogies de part et d’autre de la Manche. Mais il est difficile d’en tirer des conclusions importantes.

 

Il faudrait déjà ajouter à l’équation l’attitude des écoles « indépendantes » du système anglais privé, qui comprennent de 7 à 18% des enfants d’âge scolaire et qui préconisent une approche parfois différente au système d’Etat. D’autre part, peut-on vraiment faire un lien entre le bonheur et le système éducatif ?

 

 Mais, en attendant l’étude décisive sur la clé du bonheur, la prochaine fois que votre enfant reviendra de l’école en arborant un autocollant «Great job !» pour un exploit qui reste vague, dans le doute, félicitez-le.

 

Florence Rossignol

 

Directrice du Petit club français d’Oxford

 

Pour aller plus loin

 

-The French Unhappiness Puzzle: the Cultural Dimension of Happiness by Claudia Senik. Paris School of Economics, Version 2, 22 June 2012

 

  http://www.rue89.com/2013/04/03/malheur-francais-cest-quelque-chose-quon-emporte-soi-241113

 

 

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