En effet, les deux principaux syndicats d’enseignants au UK, NUT (National Union of Teachers) et NASUWT (National Association of Schoolmasters Union of Women Teachers), représentant à eux deux 90% de la profession, se sont unis pour amorcer un bras de fer avec le gouvernement, visant en particulier Michael Gove, Ministre de l’Education.
Un premier rassemblement régional a eu lieu le 1er octobre dans les régions du Midland, le Yorkshire et Humberside (soit un total de 49 local authorities et 2500 écoles fermées). La seconde grève, le jeudi 17 octobre, touchera cette fois-ci les régions du North East, South East, South West et Londres.
Contrairement à la France, le Royaume-Uni n’est pas friand de grèves, notamment dans le secteur de l’Education. Un récent rapport de l’OECD (Organisation for Economic Co-operation and Development) démontrait en effet que les professeurs au Royaume-Uni étaient parmi les plus choyés en Europe en matière de salaire : un professeur en primaire touche environ 27 832£/an et travaille 684 heures/an. Rien à voir avec le salaire de nos professeurs français qui plafonne à 20 843£/an étalé sur 936 heures !
Ce salaire élevé est cependant justifié par la densité des effectifs / classe (+ de 30 élèves) et ce chiffre ne va cesser de s’accroître mettant environ 118 000 élèves sur le carreau d’ici 2016 si le gouvernement ne fait rien. Un budget de 1,6 billion£ a été débloqué pour faire face à cette crise.
Professeurs gâtés ? Certes.. mais plus pour très longtemps… Mr Gove a en effet lancé une série de réformes qui fait grogner les syndicats :
1. « Plus de flexibilité au niveau des salaires » = pleins pouvoirs des directeurs des établissements
Tout d’abord, le salaire ne sera plus établi selon un barème national mais sera déterminé par les directeurs d’établissements selon les « performances » de professeurs, c’est ce qu’on appelle le Performance Related Pay (PRP). Cette appréciation subjective créera d’autant plus un écart entre professeurs dans des écoles « sensibles » et les autres.
De plus, les écoles pourront désormais embaucher du personnel enseignant non qualifié, mettant en péril la profession et de manière générale le niveau d’enseignement.
Cerise sur le gâteau, tout enseignant postulant dans un nouvel établissement pourra être embauché sur une base salariale de « junior »… même si celui-ci a plus de 15 ans d’expérience, il ne pourra plus faire prévaloir ses droits d’ancienneté. Pas de quoi attirer les jeunes diplômés ou encourager les enseignants expérimentés à changer d’établissement.
2. Trop de travail… tue le travail
Nous avions écrit un article l’année dernière sur la surcharge de travail que représentaient les rapports exigés par le gouvernement toutes les 6 semaines.Trop de paperasse et de bureaucratie ? Pas assez de temps à consacrer aux élèves ?
Qu’à cela ne tienne, Mr Gove a décidé d’allonger les journées de classe sans pour autant changer le rythme des vacances ou augmenter les salaires (qui sont gelés depuis 3 ans de toute façon). Décision qui tombe à point avec celle d’imposer un nouveau curriculum…
3. Et hop, encore un nouveau curriculum !
Avec une deadline record pour septembre 2014, confusion et chaos vont régner dans les écoles pendant un certain temps. Décrit par les enseignants comme « une liste sans fin d’orthographe, de faits et de règles », ce dernier curriculum est surtout critiqué pour avoir été rédigé par des politiciens qui n’ont pas pris la peine de consulter la profession. Imposé dans les écoles publiques, celui-ci n’est cependant qu’une « option » dans les free schools et académies qui peuvent décider de ne pas l’appliquer.
4. La grogne envers les Free schools et les Académies
Victimes de coupures budgétaires, les Councils et Local Education Authorities voient d’un mauvais œil la multiplication de free-schools (102 ont été approuvées cette année) qui dévie l’argent public vers ces nouveaux établissements gérés en toute liberté. Les enseignants restent ainsi impuissants face à la fermeture d’établissements bien en place ou leur changements de statut en académies (établissements passant de l’Autorité Locale au Ministère de l’Education).
5. Touche pas à ma pension !
Probablement le sujet qui fâche le plus en réalité car jusqu’ici, le plan de retraite (« pension scheme « ) des professeurs faisait partie du top 10 des plus avantageux au Royaume-Uni.
Les nouvelles réformes vont désormais réduire d’un tiers la retraite des enseignants : augmentation des cotisations (+3,2%), calcul du montant sur « une moyenne salariale » et non sur la base du salaire final, report de l’âge de la retraite à 68 ans au lieu de 60 ans.
Cette réforme concernant aussi le personnel civil (pompiers en particulier) et hospitalier, ces grèves semblent n’être que le début d’une longue série.
Ainsi, le manque de concertation et de dialogue entre le corps enseignant et Mr Gove aura finalement eu raison du flegme britannique et on peut s’attendre à ce que cette grève touche bon nombre d’établissements… et de parents désoeuvrés !
Article réalisé par Elisabeth Fontanille pour Avenuedesecoles.com
Sources :
Côté syndicats
NUT (National Union of Teachers)
NASUWT (National Association of Schoolmasters Union of Women Teachers)
Teachers Solidarity
Sur les pensions
Sam Barrett (5 septembre 2013) – « Top 10 jobs for pensions ». In Moneywise. Page consultée le 13 octobre 2013
Sur la crise des places
Anna Davies Pippa Crerar (23 avril 2013) – « Looming crisis of 118,000 pupils without a London school place by 2016 ». In London Evening Standard. Page consultée le 13 octobre 2013
Détails sur la grève et les régions touchées
Mark Ellis (5 septembre 2013) – Teachers to strike for two days in October over pay, pensions and workloads
Sur le nouveau curriculum
Sur les fonds débloqués pour les écoles
Official announcement. David Laws (18 juillet 2013) – « Targeted capital fundong for new school places ». In gov.co.uk