Se comparer aux autres fait partie intégrante de notre développement, et de la construction de notre identité.
Les enfants se créent en comparaison les uns avec les autres.
Dans la petite enfance vos enfants apprennent de ce qu’ils voient, en comparant leurs propres idées et habilités à celles des autres. Dans un groupe ils apprennent à comparer ce qu’ils sont capables de faire par rapport aux autres.
Une maîtresse saura évaluer un enfant par rapport à une capacité attendue bien sûr, mais aussi par rapport à son groupe de classe. En grandissant l’enfant va se comparer aux filles, aux garçons, en comprenant qui n’appartient qu’à une seule catégorie. Il en va de même pour d’autres critères moins visibles. (Comme l’âge, la taille, les jeux qu’ils aiment…)
À l’adolescence, ces comparaisons deviennent essentielles. Nous voyons apparaître des groupes très définis, très distincts les uns des autres, auxquels l’adolescent voudra à tout prix appartenir, en se collant à des habitudes et à des valeurs qui ne lui appartiennent pas forcément. Les gothiques, les populaires, les « roots »,… Tous ces groupes, avec leurs codes sociaux permettent à l’adolescent de se comparer à l’autre et de tester de « nouvelles personnalités ». Il rejette aussi plus ou moins massivement les valeurs familiales. « Je ne ferai jamais comme mes parents, moi quand j’aurais des enfants je ferai comme ceci, …» il se compare à un groupe « famille » dont il rejette les valeurs pour tester de nouvelles expériences, pour se libérer.
Encore à l’âge adulte, nous nous créons une personnalité et une vie, en nous comparant aux autres. En devenant professionnels, maris ou femmes, parents : nous regardons comment les autres font, ce qui nous plaît, ce qui ne nous correspond pas, et nous créons notre personnalité par nos expériences en faisant ces comparaisons.
Alors que veut dire « ne comparez pas les enfants » ?
Attention aux rôles
Une maman d’un enfant de 16 mois qui ne parle pas sera inquiète si son premier enfant a parlé à un an, et ne sera pas inquiète si son premier enfant a parlé à deux ans. C’est normal qu’elle compare. C’est son seul moyen pour analyser si son enfant va bien, est dans la norme, ou à besoin d’aide. Une comparaison est naturelle.
Ce qui est important, c’est de ne pas enfermer les enfants dans des rôles. Ce bébé est plus verbal que mon premier. Ou plus physique. Cela ne veut pas dire que ses comportements sont pérennes dans le temps, ou que mon enfant se définit par cette différence avec son frère.
La comparaison doit simplement me servir à analyser des faits pour offrir à l’enfant ce dont il a besoin. S’il est moins physique, je lui offrirai des activités pour développer cette aire de développement. Je ne l’enferme pas dans un rôle de moins sportif ou de plus intellectuel.
J’évite de dire devant lui qu’il sait, qu’il ne sait pas faire des choses que son frère savait faire à son âge. Si mon premier est drôle et mon deuxième très drôle, cela enlève-t-il la caractéristique de drôle à mon premier ? Vous pouvez avoir deux enfants drôles et chacun à leur façon.
Accepter l’enfant comme unique, et lui faire savoir
Un petit exercice facile à faire tous les soirs en couchant votre enfant, est de lui dire ce que vous aimez chez lui et comment cela se voit « j’aime bien quand tu es patient, tu as réussi ton puzzle tout seul », « tu as fait des blagues au diner, tu m’as fait rire », « j’ai bien aimé ton comportement qui était gentil lorsque tu as prêté ton jouet cet après-midi… » Vous lui montrez ainsi que ses comportements, ce qu’il donne à voir a de la valeur et le définit.
Vous lui apprenez à se définir par ses choix et vous lui montrez surtout le positif de ces choix.
Soyez aussi attentif à lui dire que vous l’aimez intrinsèquement : je t’aime car tu es toi, tu es unique, tu es ma merveille, je t’aime car tu es comme tu es. Car au-delà d’être aimé pour des caractéristiques particulières, tout le monde a besoin d’être aimé inconditionnellement. Un enfant aura vite tendance à croire que son parent l’aime s’il revient avec de bonnes notes ou fait les tâches ménagères correctement.
Il faut développer chez lui la croyance, la sérénité d’être aimé pour lui et non ses actions.
Veillez à reconnaître chaque enfant pour ce qu’il est, sans comparer la force de ses capacités à celle des autres, lui permet de se sentir en confiance dans ce qu’il est. Vous désirez créer chez votre enfant une connaissance de lui-même qui ne prend pas source dans une comparaison.
Les comparaisons avec soi
Il est très facile de tomber dans le penchant de comparer son enfant avec l’enfant que nous étions ou même ce que nous sommes aujourd’hui. «Il est généreux, comme son papa », « il est artiste, comme sa maman ». Même si cela est vrai, cela peut enfermer l’enfant dans un rôle, un « script de vie » dont il ne pourra plus se détacher. S’il veut arrêter de faire de la peinture, cela veut-il dire qu’il ne sera plus comme maman, et n’aura plus de validité dans la famille ?
Certains enfants vont se forcer à correspondre au mythe familial pour ne pas tomber dans la déchéance. Si le plaisir de voir son enfant partager un trait de personnalité, ou un hobby, est fort, il doit être nuancé. « Tu es artiste comme ta maman, mais tu aimes plutôt la sculpture alors qu’elle aime la peinture, c’est super c’est complémentaire ».
Il y a aussi les comparaisons avec notre propre passé. « Moi à ton âge je ne partais pas en vacances». Lui donner le choix ou non à tel ou tel objet/activité est un choix parental dans le présent, réfléchi dans une optique éducative pour le futur. Si vous reproduisez ce qui vous a été donné sans le relire au goût du jour, sans le relire à la lecture de votre vécu et de vos désirs de parents, il est temps de le faire. Vous avez grandi il y a 30 ans et votre enfant grandit en 2018, c’est une autre époque, avec de nouveaux codes, de nouvelles attentes.
Votre enfant ne peut pas être reconnaissant de choses qui ne le concerne pas. De plus, cela n’a pas de sens éducatif. Si par là vous désirez lui faire prendre conscience de sa chance, lui faire développer la gratitude, choisissez des exemples du présent, qui le touche « tous les enfants n’ont pas la chance de partir en vacances ».
Et éduque-t-on ses enfants dans l’attente d’une gratitude ?
Votre enfant est un être à part entière qui doit bénéficier de son propre plan éducatif au regard de la société dans laquelle il évolue.
En conclusion, la comparaison est bonne et permet de se situer par rapport aux autres. Il faut développer la capacité à se sentir unique chez l’enfant et lui permettre de se créer un rôle flexible et évolutif.
La comparaison est bonne si elle est utile, qu’elle permet de se surpasser, de se définir et de se valoriser. Elle doit s’associer à la fierté d’être soi.
Aude MOUTON
Directrice du centre
Psychologue Clinicienne
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(Sloane Square)
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Photo de Ben White sur Unspash