Quelles etudes sont faites pour vous

Orientation : quelles études sont (vraiment) faites pour vous ?

Quelles etudes sont faites pour vous

Les réponses de Bruno Magliulo, formateur, conférencier, auteur et inspecteur d’académie honoraire

 

1- Quels conseils donner aux jeunes pour bien choisir leurs enseignements de spécialités dans la filière générale ?

Le nouveau lycée a supprimé les anciennes filières de la voie générale (ES, L et S).

Désormais, les élèves sont tenus, en plus des enseignements de tronc commun, de choisir trois enseignements de spécialité en première (4h par semaine chacun), puis deux parmi ces trois en terminale (six heures par semaine chacun).

Ce choix est évidemment fonction de l’offre de chaque lycée, sachant qu’aucun ne les propose toutes. Les plus fréquemment proposées sont : histoire/géographie/géopolitique et sciences politiques, humanités/littérature et philosophie, langue/littérature et cultures étrangères (le plus souvent anglais), mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre et sciences économiques et sociales. Plus rarement : biologie-écologie (uniquement dans les lycées agricoles), littérature/langues et cultures de l’antiquité, numérique et sciences informatiques, sciences de l’ingénieur.

 

Trois critères de choix peuvent guider les familles :

      1) Le lien entre chacun de ces enseignements et les « attendus » de l’enseignement supérieur.

Comme chacun peut s’en douter, parmi les critères de recrutement en première année des formations supérieures, il y aura (il y a déjà) signalement – à partir de 2021 – des enseignements de spécialité qu’il est recommandé d’avoir suivis au lycée.

Ainsi, par exemple, les responsables du concours national Geipi Polytech (qui permet d’accéder à l’une des 34 écoles d’ingénieurs à recrutement niveau bac qui sont regroupées sur ce concours commun) ont fait savoir dès novembre 2018 qu’ « il est fortement conseillé aux lycéens de suivre les enseignements de spécialité de mathématiques et physique-chimie ». Beaucoup d’autres formations ont émis de semblables recommandations.

     2) Le choix peut aussi reposer sur le plaisir à recevoir tel ou tel enseignement.

« Faites-vous plaisir en choisissant des enseignements qui vous attirent » est un leitmotiv qui a souvent été mis en avant.

Moins utilitaire que le critère précédent, ce choix a permis à une partie des élèves entrés en classe de première générale du nouveau lycée en septembre 2019, de se doter de profils moins classiques, plus hétérogènes que ce que permettait l’ancien lycée.

Ainsi, par exemple, il était impossible qu’un élève qui préparait l’ancien bac S se forme aux sciences économiques et sociales, enseignement qui n’existait pas en S. Or, un nombre significatif d’entre eux choisissait ensuite de frapper à la porte de formations supérieures de nature économique (classes préparatoires économiques, grandes écoles de management à recrutement niveau bac, filières universitaires et sciences économiques et/ou de gestion, etc).

Il est désormais possible de combiner un profil scientifique avec l’enseignement des SES, propice pour ce genre d’orientation.

    3) Autre critère de choix : la capacité à bien réussir dans les enseignements de spécialité choisis.

Il conviendra de ne pas perdre de vue que les notes et appréciations qualitatives obtenues en première et terminale dans les enseignements de spécialités choisis, constitueront un important élément de présentation des candidatures pour le passage dans le supérieur.

Il en va donc des chances d’obtenir satisfaction lorsqu’on prétend à l’admission dans une formation sélective, puis de réussir dans le cursus d’études supérieures obtenu, que la formation soit sélective à l’entrée ou pas. Autrement dit, il ne suffira pas d’afficher que l’on a opté pour les « bons » enseignements de spécialité : il faudra en outre y avoir réussi.

L’idéal serait évidemment que ces choix reposent conjointement sur ces trois critères.

Certains candidats sont à même de choisir les enseignements de spécialité qui correspondent aux « attendus » de la formation supérieure qu’ils désirent intégrer, tout en ayant du plaisir à approfondir leurs connaissances et compétences dans ces champs du savoir, et en y obtenant de bons résultats.

Ce n’est hélas le cas que pour une minorité d’élèves.

Pour les autres, on peut résumer le dilemme à la nécessité de trouver un équilibre entre le « rêve » (le plaisir à apprendre, l’attraction exercée par telle ou telle filière d’enseignement supérieur voire par un métier…), et la réalité (les « attendus » des formations supérieures, la capacité à réussir dans les enseignements de spécialité choisis). C’est loin d’être chose aisée !

 

2- Quid de l’enseignement technologique et professionnel ?

La réforme du lycée est principalement une réforme de la voie générale et du baccalauréat général.

Concernant la voie technologique, la réforme n’a pas touché à la liste des spécialités anciennement proposées (STAV, STD2A, STI2D, STL, STMG, ST2S). On s’est contenté de divers ajustements concernant les programmes, et de diverses modifications à la marge. Grosso modo, la réforme de la voie technologique est très modeste. Elle reste donc à venir.

La voie professionnelle a par contre fait l’objet d’une réforme importante qui consiste essentiellement en la suppression des plus de 80 spécialités existantes dans l’ancienne seconde professionnelle (jugées trop prématurément pointues) et leur remplacement par une vingtaine de seconde plus polyvalentes, centrées désormais sur des « familles de métier ».

Cette seconde polyvalente sera suivie par des classes de première et terminale spécialisées.

En outre, on tient compte du fait que d’année en année, une proportion croissante de ces bacheliers optent pour la poursuite des études dans l’enseignement supérieur (notamment en préparant un BTS), ce qui a conduit à renforcer la part des enseignements généraux et à introduire en classe terminale un module de préparation aux études supérieures.

Enfin, on a procédé parallèlement à une profonde réforme de l’alternance, jouant clairement la carte de la montée en puissance de cette façon de préparer un baccalauréat professionnel ou un CAP.

 

3- Mon avis sur la place des mathématiques dans cett
e réforme et leur abandon possible par rapport à certaines filières.

Dans la nouvelle filière générale les mathématiques sont absentes du tronc commun des classes de première et terminale.

En première générale, les élèves ont le choix entre y renoncer totalement, ou opter pour l’enseignement de spécialité de mathématiques. C’est donc pour les familles une obligation de choisir entre le « tout » et « rien ». Or, de l’avis de la plupart, le programme de l’enseignement de spécialité de mathématiques de classe de première générale est ciblé sur un profil d’élèves très scientifiques et bons en maths.

On observe donc que de nombreux élèves ayant choisi cet enseignement de spécialité n’y réussissent pas, et se préparent à y renoncer en passant en terminale générale. Certains de ces derniers pourront cependant compenser cet abandon par le choix d’une option facultative de « mathématiques complémentaires » à horaire plus léger (3h par semaine au lieu de 6 pour l’enseignement de spécialité) et au programme nettement plus abordable pour des élèves qui n’ont pas de profil scientifique.

Quant à ceux qui éprouveront le besoin d’aller « plus haut » en mathématiques en classe terminale générale, ils pourront ajouter aux six heures de spécialité trois heures dites de « mathématiques expertes », soit neuf heures au total.

Reste une interrogation : pourquoi, alors qu’il a été décidé d’offrir des mathématiques « à trois vitesses » en terminale générale (9h hebdomadaires ou 3h ou 0 heure), ne fait-on pas de même en classe de première générale ? En effet, par rapport à l’ancien lycée, la possibilité de suivre en première un enseignement de mathématiques de niveau intermédiaire (de type ES) a disparu. Il y a en cela un vide qui demande à être comblé.

 

4- Les passerelles sont plus développées dans l’enseignement supérieur, cela va-t-il être un vrai avantage ?

Pour mieux accueillir les nouveaux bacheliers – notamment ceux qui se seront dotés de profils « hétérogènes » par rapport aux « attendus » des formations supérieures – il est prévu que les lycées, comme les formations supérieures, proposent diverses formes d’enseignement d’accompagnement, de remise à niveau … voire, inventent pour certains types de bacheliers aux profils nouveaux des modalités d’accès plus adaptées, et dans certains cas créent des filières nouvelles.

C’est ainsi, par exemple, qu’ayant constaté qu’un nombre significatif d’élèves ont choisi d’opter pour des enseignements de spécialité de SVT et d’« humanités/Littératures et philosophie », certaines universités envisagent de créer une licence ou licence double de « bio Ethique » dès la rentrée de 2021.

Reste le difficile problème du financement des cas actions. Il ne faudrait évidemment pas que, faute de moyens, les établissements secondaires ou supérieurs ne puissent mettre de telles passerelles ou enseignement de remise à niveau en œuvre.

 

5- La nouvelle réforme propose aux élèves de penser le plus tôt possible leur orientation, efficace ?

Indéniablement, le calendrier de l’orientation concernant le passage dans l’enseignement supérieur, qui s’est longtemps concentré sur le niveau de la classe terminale, tend à remonter vers la fin des années collège.

Choisir, en sortie de troisième la voie professionnelle plutôt que les voies générale ou technologique, a évidemment une conséquence forte sur le potentiel des études supérieures que l’on pourra demander ensuite.

Choisir, en fin de seconde générale et technologique la voie générale ou la voie technologique renvoie à une problématique semblable, de même que le choix des enseignements de spécialité ainsi qu’on l’a vu précédemment, etc.

Ainsi s’explique qu’aujourd’hui, la préoccupation « orientation » s’empare de l’esprit des familles, ainsi que des acteurs (enseignants, conseillers d’orientation, personnels éducatifs, personnels de direction…) de plus en plus tôt dans la scolarité des élèves.

Avantage de cette tendance : les projets d’orientation s’élaborent sur une plus longue période, permettant de mieux connaître les divers itinéraires de formation qui se présentent à chacun, leurs caractéristiques et exigences, de permettre que le « dialogue » (entre les familles et les équipes pédagogiques et administratives du lycée fréquenté) conduise à faire des choix mieux éclairés, plus rationnels aussi, c’est-à-dire plus conformes à la réalité du bilan scolaire et personnel de l’élève.

Inconvénient : cette tendance donne à certains le sentiment qu’il faudrait se déterminer à des âges où la plupart des élèves ont encore beaucoup de mal à raisonner sur la base d’un projet d’études supérieures, et encore moins d’un projet d’activité professionnelle.

C’est pourquoi nous prônons l’idée que le pilotage des décisions d’orientation par les débouchés (d’études supérieures et de métiers) n’est pas un modèle unique de détermination.

A défaut, pour certains (de moins en moins nombreux cependant au fur et à mesure qu’on se rapproche de la classe terminale) de pouvoir élaborer son projet d’orientation en fonction de critères « en aval », il est possible de le faire en se fondant sur « l’amont », c’est-à-dire sur un bilan scolaire et personnel sincère.

 

6- Parcoursup permet-il de bien faire ses choix notamment par rapport à la liste des compétences affichées ?

On ne le dira jamais assez : Parcoursup n’est guère un instrument d’aide à l’élaboration des listes de vœux que chacun doit préparer et qui sera signalée sur ce portail télématique.

On y trouve certes des éléments d’information susceptibles de nourrir les réflexions des familles : fiches descriptives des diverses formations supérieures, « attendus », etc. Mais ce que chacun se doit de préparer à l’avance, c’est une liste de vœux et réfléchir à sa hiérarchisation afin d’être apte à répondre rapidement aux éventuelles propositions favorables.

Pour bien élaborer sa liste de vœux, il convient de mettre en œuvre une stratégie permettant de maximiser ses chances d’obtenir satisfaction et de réussir dans la filière obtenue.

Par stratégie, nous entendons qu’il faut commencer par se poser et résoudre diverses questions : souhaite-t-on appuyer ses choix sur un projet d’avenir professionnel ou est-ce prématuré ?
Est-ce que j’ai une préférence pour des études supérieures courtes ou longues, sachant que l’on peut envisager de faire du long en commençant par le court ?
Ressent-on le besoin d’intégrer une formation qui offre un bon degré d’encadrement ou est-on prêt à se confronter à des formations qui exigent une grande capacité de travail autonome ?
Au regard des « attendus » : suis-je porteur des prérequis affichés ?
En cas de réponse négative concernant mon vœu préféré, quelS plans
« B », « C »… puis-je mettre en œuvre ? Etc ;

 

7- Quelles sont les filières les plus recherchées par les étudiants ?

La génération des lycéens et étudiants d’aujourd’hui est fortement parcourue par un regard quelque peu schizophrénique sur ce qu’il convient de se fixer comme objectif.

En accord avec leurs parents, ils sont d’une part très largement portés à privilégier les formations qui conduisent aux secteurs d’activité fortement recruteurs, et dans des domaines où les technologies les plus avancées sont présentes : la santé, l’informatique, la communication, le management, le web et le data, le numérique, etc.

Mais dans le même temps, ils sont portés par des valeurs telles que la volonté de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, respect de l’environnement, valeurs citoyennes … qui peut aussi en conduire vers des carrières de la recherche, de l’enseignement, du social … Il leur est parfois difficile de rendre cette double approche compatible.

Une tendance cependant qui les concerne presque tous : ils sont de plus en plus conscients que leur plus grande difficulté ne sera pas de trouver un emploi immédiatement à l’issue de leurs études, mais de bénéficier d’une bonne « employabilité à long terme ».
Et pour cela, ils sont portés à faire des études de plus en plus longues, comprenant généralement un premier cycle largement polyvalent, auquel il sera possible d’ajouter une spécialisation ultérieure.

 

8- La place des « soft skills » ?

Jusqu’à il y a relativement peu, lorsqu’un élève de classe terminale était confronté à des épreuves de sélection en vue d’entrer dans une formation supérieure, on se fondait principalement sur les capacités et compétences purement scolaires.

On prenait fort peu en compte ce qui est de l’ordre de son « développement personnel » : aptitude au travail en équipe, capacité d’écoute, esprit de synthèse, empathie, capacité à prendre la parole en public, etc.

Bref : ce qu’il est convenu de nommer les « compétences douces » (« soft skills »).

On le faisait certes en partie, en particulier par le biais d’entretiens de motivation, mais cela a toujours été rare, et en tant que critère second par rapport au bilan scolaire largement dominant.

La plateforme Parcoursup a révolutionné cette façon de faire en introduisant, pour chaque formation supérieure, une présentation des « attendus » (pré requis) qui ajoute aux traditionnelles exigences scolaires, des éléments qui sont de l’ordre des « softs skills ».

C’est ainsi, par exemple, qu’en 2020, sur Parcoursup, la présentation des « attendus » concernant le DUT techniques de commercialisation précise qu’outre diverses capacités scolaires, on attend des candidats à l’admission qu’ils « aient l’esprit d’équipe » et « sachent s’intégrer dans des travaux de groupe, s’impliquer dans leurs études et fournir le travail nécessaire à la réussite, sachent communiquer en particulier en public », etc.

Pour le « Parcours d’accès spécifique santé » (PASS) version 2021, on précise qu’outre de solides compétences scolaires, il conviendra de « disposer de très bonnes capacités en communication écrite et orale, être apte à se documenter, disposer de très bonnes compétences méthodologiques et comportementales (en particulier être capable de se livrer à un travail assidu dans la durée), et être capable d’un important engagement humain en témoignant d’aptitude à l’empathie, la bienveillance et l’écoute ».

L’introduction de ces « soft skills » dans les attendus, donc en tant que critères de classement des candidats à l’admission venant s’ajouter aux traditionnels critères de type scolaire, induit une interrogation sur les missions futures des lycées (qui vont petit à petit devoir s’ouvrir à l’idée qu’il entre dans leurs missions de permettre le développement personnel des élèves), et sur la conception qu’on a de ce qu’est le métier d’enseignant (auxquels on va sans doute demander d’apporter plus largement leur contribution aux actions éducatives de ce type).

 

Bruno MAGLIULO

Inspecteur d’académie honoraire
Auteur/formateur/conférencier sur la problématique de l’orientation scolaire
Auteur, dans la collection L’Etudiant, de : « SOS Parcoursup », « SOS le nouveau lycée », « Quelles études sont (vraiment) faites pour vous ? » (diffusion par les éditions de l’opportun (www.editionsopportun.com)  / https://www.linkedin.com/pulse/parution-de-mon-nouveau-livre-quelles-%C3%A9tudes-sont-faites-magliulo

 

Mars 2020

 

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