Victor, ce n’est pas possible, tu as ENCORE renversé ton verre, quel maladroit !
Sam, tu as oublié ton sac de sport, quelle tête en l’air ! Marre de devoir te le dire tout le temps !
Sarah, tu pourrais dire bonjour quand même ! Ça se fait quand on arrive quelque part.
Victor, Sam et Sarah pourraient être nos enfants… nous pourrions leur parler comme cela, un peu (ou très !) exaspérés par leur « manque de maturité », fatigués de leur répéter pour la énième fois la même rengaine, frustrés de leur manque de coopération, qui nous fait nous sentir inefficaces en plus…
Alors oui, cela peut être usant de répéter.
Est-ce que ca « marche » vraiment chez vous ? Est-ce que cela donne envie à vos enfants de coopérer? Est-ce que ça vous convient ?
Si oui, vous pouvez sauter la suite de l’article !
Si non, je vous propose de poursuivre…
Les questions pour moi sont les suivantes :
Qu’est-ce qui va augmenter nos chances de ne plus vivre ces moments-là comme des moments de tension ?
Qu’est-ce que nous pourrions changer dans notre attitude, nos pensées, nos paroles pour que nos enfants nous écoutent ?
Je vous propose un petit jeu.
Imaginez que Victor, Sam et Sarah soient des adultes et vos invités pour la soirée.
Que Victor renverse son verre de vin, que Sam oublie son parapluie en partant et que Sarah rentre chez vous sans vous dire bonjour.
Qu’allez -vous leur dire ? Qu’allez-vous faire ? Prenez le temps d’y réfléchir avant de lire la suite…
Je ne suis pas dans votre tête bien sûr, mais je suppose que vous avez trouvé une idée qui sera souvent plus respectueuse et efficace… transposable à la situation avec vos enfants…
Comme tendre une serviette à Victor ou son parapluie à Sam.
Comme dire bonjour en premier à Sarah, en supposant qu’elle est peut-être préoccupée par autre chose.
Comme dire « Cela se nettoie. », « Sam, ton parapluie! » ou « Tu sembles préoccupée Sarah ».
Imaginez maintenant que vous leur ayez dit la même chose qu’aux enfants au début de l’article. Comment se sentiraient-ils d’après vous ? Et vous, comment vous sentiriez-vous ? Prenez le temps d’observer en vous.
Alors voilà.
Je vous propose de faire l’expérience chez vous. Avant de vous adresser à vos enfants, de temps en temps, demandez-vous : « Comment je réagirais avec un invité dans la même situation ? Ou avec un ami de passage?» ou bien « Comment j’aimerais qu’on me traite moi? Qu’est-ce que j’aimerais entendre?»
Et essayez. Juste pour voir si ça change quelque chose….
Et si vous le souhaitez, partagez-le avec moi en m’écrivant à karine@communiquer-autrement.com, je serais ravie de refaire un article avec vos retours d’expériences qui pourraient inspirer d’autres parents.
Voici 3 expériences rapportées dans mes ateliers (avec entre parenthèses les outils Faber et Mazlish que les parents ont utilisés) :
Gaspard a tendance à se précipiter dans la maison sans refermer la porte d’entrée, ce qui m’a déjà valu quelques frayeurs. En général, je le couvre de reproches… Hier il est rentré surexcité par son après-midi au cinéma et a (encore!) oublié cette fichue porte…
Je me suis in extremis mordu les lèvres en pensant que ce que j’allais dire, je ne l’aurais jamais formulé à un adulte.
J’ai alors remplacé par un simple « Gaspard, la porte! ».
Sans arrêter son bavardage, il est retourné fermer la porte et m’a ensuite raconté le film comme si de rien n’était.
(Résumons en un mot ce que nous voulons dire plutôt que de faire de longs discours ou des reproches)
Mon fils de 9 ans est revenu du foot avec les chaussures pleines de petites « billes » (petits morceaux du terrain synthétique) qui se sont répandues partout dans l’entrée de la maison. Ce n’est pas la première fois et d’habitude, je ronchonne et je nettoie en lui jetant un regard noir, voire en lui assenant un « C’est pourtant pas faute de te l’avoir dit la dernière fois ».
Cette fois, je me suis demandée ce que j’aurais aimé qu’on me dise.
Et j’ai simplement dit « Le petit aspirateur est dans la cuisine. » Mon fils m’a regardée, est parti le chercher, a aspiré les billes et commenté « Tu as vu, c’est pas si grave. La prochaine fois, j’essayerais de penser à enlever mes chaussures dehors avant de rentrer dans la maison. »
(Donnons simplement une information, sans juger/évaluer/blâmer)
Alice me dit qu’elle a complètement raté son saut en hauteur en sport car elle a eu peur. Je me suis dis que si un copain me disait la même chose, j’aurais certainement cherché des exemples dans sa vie de sa capacité à dépasser ses peurs. J’ai alors pensé à nos vacances de cet été et j’ai dit « Ça peut arriver, j’imagine que tu es déçue… en même temps, je me souviens comme tu as grimpé partout pendant les randonnées cet été et comme tu as osé plonger et sauter du haut de certains rochers, c’était impressionnant. » Le sourire qu’elle m’a renvoyée valait tout l’or du monde !
(Rappelons leurs bons coups à nos enfants !)
Et vous, êtes-vous tenté de faire l’expérience ?
par Karine Bodaghi
Facilitatrice en communication adultes-enfants
Animatrice et conférencière Faber et Mazlish
karine@communiquer-autrement.com
Page Facebook : Karine Communiquer-Autrement
Pour aller plus loin:
communiquer-autrement.com
Novembre 2018
Illustration : la dessinatrice Fanny Vella