Alors que de nombreux parents s’inquiètent par la place prise par les jeux, le téléphone portable ou encore internet dans la vie de leurs enfants, nous avons jugé utile de redéfinir les comportements addictifs et leurs préventions avec Madame Bénédicte LONG, addictologue à Londres.)
• Quelles sont les addictions les plus courantes chez les jeunes ?
- Chez les enfants, il n’en existe pas beaucoup, heureusement.
L’anorexie reste très rare avant l’adolescence mais malheureusement les chiffres augmentent. Les enfants ont, aussi désormais, parfois accès aux drogues et à l’alcool qui n’étaient pas à leur portée auparavant.
En revanche, de nouveaux comportements addictifs se développent, depuis l’arrivée des nouvelles technologies, comme l’utilisation excessive des téléphones portables, des jeux vidéos , internet …
Les jeux en réseau, type Worldcraft, sont particulièrement redoutables dans la mesure ou ils peuvent provoquer des troubles très importants du sommeil, de l’alimentation etc … (Certains jeunes pouvant jouer jusqu’à 18 heures par jour)
Pour prévenir ces excès, il est essentiel de poser des limites quant au temps passe devant l’écran ; il est également recommandé d’installer l’ordinateur dans la salle de séjour familiale afin de mieux contrôler l’usage quotidien qu’en ont les plus jeunes membres de la famille.
Attention également à l’utilisation potentiellement excessive des téléphones portables qui, en dehors des problèmes d’addiction, représente un danger pour la santé, en particulier pour les moins de douze ans…
Quelques exemples qui peuvent alerter : l’adolescente qui préfère arriver en retard au lycée plutôt que de ne pas retourner chez elle reprendre son; portable oublié ou encore un jeune de douze ans qui ne voudra pas partir en voyage scolaire si les téléphones portables ne sont pas autorisés…
Enfin, un conseil incontournable de la prévention : ne pas autoriser les portables à table en famille, même pour les textos et être cohérent en appliquant ces contraintes à tous les membres de la famille.
- En ce qui concerne les adolescents, la consommation de tabac est en augmentation, avec,en France, un taux supérieur à celui du Royaume Uni.
A l’adolescence, le cerveau est encore en pleine maturation et est, de ce fait, très sensible à l’apport massif d’une drogue quelle qu’elle soi.
Si le cannabis, qui est la drogue la plus consommée à cet âge, n’est pas forcement néfaste quand elle n’est consommée qu’occasionnellement, il faut cependant être vigilant car ce qui est inoffensif pour certains peut ne pas l’être pour d’autres (ceci bien sur, indépendamment de son caractère illégal, non jugé ici.)
D’autre part, le cannabis étant, la plupart du temps, consommé sous forme de joints, c’est-à-dire mélangé a du tabac, un ado non fumeur a la base risque de devenir dépendant du tabac.
L’alcool, quant a lui, est théoriquement peu addictif physiquement, mais là aussi, quand l’apport est massif sur un cerveau en formation, le danger d’une dépendance devient plus important. De même que le « binge drinking » (se rendre saoul le plus rapidement possible ) régulier induit des dépendances précoces.
Les boissons énergisantes ne créent pas d’addiction physique, mais comme l’alcool, leur consommation peut induire un comportement problématique. Quoiqu’il en soit, addictive ou pas, leur consommation représente néanmoins un danger pour la santé cardiaque.
Autre point à surveiller, celui du téléchargement des films pornographiques sur internet, qui, en dehors de la question de censure parentale, peut vite entraîner un dysfonctionnement du système dopant (dopamine), conduisant l’adolescent à avoir un besoin accru de sensations par jour.)
• Comment les prévenir?
- Pour cela reprenons un peu de recul et revenons aux principes essentiels d’éducation, parfois abandonnés ou négligés :
En effet, dès la tendre enfance , il faut poser des limites et apprendre à savoir dire non à ses enfants : de la frustration, nait le développement de l’imaginaire et les enfants et adolescents qui ont tout, tout de suite, n’ont plus de rêve.
- Ils deviennent alors plus vulnérables aux addictions , pour échapper à leur quotidien ; il faut donc les éduquer au désir, au choix et aussi à se dépasser : nous devons également apprendre à nos enfants à se relever lorsqu’ils tombent, , et à faire face à l’échec. L’échec n’est pas une fin en soi mais une étape vers un prochain succès profitant des leçons apprises.
- Il est recommandé également de leur apprendre à vivre leurs sentiments, mettre des mots sur les émotions, qu’elles soient négatives ou positives : reconnaître les tristesses et chagrins, et ne pas les colmater ou offrir une compensation immédiate, entendre…
- Avoir des repères : dans certaines familles, l’éducation est encore essentiellement le rôle de la mère; or il faut une présence paternelle qui joue son rôle, c’est-à-dire qui pose les interdits, prépare et projette vers l’ avenir , détache progressivement l’enfant de sa mère.
(lors des séjours pour soigner les addictions des jeunes au centre de Saint Jean d’Espérance , Pascal Petit constate que c’est dans 90 % des cas la mère qui téléphone pour se renseigner, 10% seulement le père)
• Comment les déceler ?
Dans la consommation d’un produit psycho actif, le shéma est souvent le suivant : Cela débute par un usage occasionnel pour passer à un usage régulier à risque, avant d’en arriver à un usage nocif, menant finalement à la dépendance (quand on remarque que la personne a besoin de consommer plus pour avoir les mêmes effets et n’est pas capable de s’arrêter malgré la connaissance des dangers .)
Dans ces deux derniers stades, on est réellement dans l’addiction. A l’état de dépendance, le seul traitement est alors le sevrage.
Avant d’en arriver là , on peut parfois s’en rendre compte par des remarques de l’entourage.
Les autres signes qui doivent alarmer :
- la perte de relations sociales,
- le refus brutal d’activités,
- la baisse inexpliquée des résultats scolaires,
- l’anxiété,
- les problèmes de sommeil,
- le mensonge ….
• Comment aider le jeune en proie à une addiction ?
Le dialogue doit être ouvert mais poser néanmoins des limites : les parents doivent se protéger et ne pas avoir peur d’utiliser des intermédiaires pour prendre du recul : médecins scolaires, thérapeutes familiaux…
Ils doivent également essayer d ‘accepter petit à petit le problème et ne pas demeurer dans le déni. Pour les aider, et aider leurs adolescents en priorité ,il existe des centres de désintoxications adaptés à Paris : centre Marmottan, consultations Hôpital Paul Brousse, ainsi qu’ à Londres : the Priory hospital.
Les adolescents sont alors soignés soit par la thérapie cognitive comportementale, la thérapie familiale, le soin, ou par l’hypnothérapie.
• Quel a été votre parcours ?
J’ai démarré ma carrière comme juriste, puis j’ai travaillé au CDMRT (comité départemental contre les maladies respiratoires et la tuberculose de Charente Maritime). J’ai ensuite obtenu un DU d’addictologie au CHU Paul Brousse de Villejuif. J’ai alors travaillé pendant 6 ans pour la prévention du tabac et du cannabis dans les lycées (Je suis également tabacologue).Arrivée en Grande Bretagne, j’ai travaillé au NHS en tant que « stop smoking advisor » auprès de femmes enceintes. J’ai également une formation d’hypno thérapie clinicienne.
Merci beaucoup, madame Long, pour cet entretien très riche.
Informations complémentaires :
- www.nhs.uk/conditions/addictions
- Les addictions à internet : « de l’ennui à la dépendance « Dr Michel Hautefeuille , parutions Hôpital Marmottan