Spécial élections britanniques (Partie I) : Quels enjeux pour l’Education ?


Impact des réformes structurelles conduites depuis 2010

 

 

Le système éducatif d’Etat anglais traverse une période de turbulence et d’incertitude.

Les réformes se sont succédé depuis 2010 : 250 free schools ont été créées et près de 40% des écoles se sont transformées en académies sponsorisées pour la plupart par des entités privées.

Va-t-on vers une forme de privatisation de l’Education ? Quelles sont les propositions des différents partis face à ces nouveaux enjeux ?

 

Changement de structure : décentralisation, autonomisation ou privatisation ?

Des réformes structurelles d’envergure ont été menées depuis 2010 allant vers une large décentralisation et une grande autonomie accordée aux établissements scolaires.

Si les académies ont été mises en place en 2000 sous Tony Blair, le programme d’académisation a été repris et amplifié par le gouvernement Cameron en 2010 en invitant tous les établissements scolaires (primaires et secondaires) à se convertir en academies et en encourageant dans le même temps de nouvelles écoles dites free schools à se créer de préférence dans des zones défavorisées, où il existe une demande parentale avérée.

Les académies et free schools sont des écoles publiques financées directement par le gouvernement sans passer par les Local Authorities. Elles bénéficient d’une plus grande autonomie pour gérer leur budget plus efficacement, penser leur stratégie éducative ou encore pour déterminer les conditions de travail ou le calendrier scolaire. La plupart sont sponsorisées par une organisation extérieure privée mais elles restent à but non lucratif, gratuites et non sélectives.

Cette réforme vise à stimuler la concurrence entre les écoles, à encourager l’innovation et ainsi élever le niveau d’éducation. La réforme des académies et free schools s’est faite très rapidement.

On compte aujourd’hui plus de 250 free schools et près de 4,500 académies représentant 40% des écoles du secteur public, les autres écoles d’Etat étant toujours gérées au niveau des autorités locales.

Le gouvernement a également récemment mis en place huit Regional school commissionners qui ont un pouvoir d’intervention sur les académies de leur secteur. Cette organisation pourrait toutefois être remise en cause en cas de changement de gouvernement.

 

Réforme du financement

Cette réforme structurelle s’est accompagnée d’une réforme du financement dans un souci de transparence, d’égalité et de simplification. Celui-ci était complexe et disparate en fonction des types d’établissement. Il est désormais basé sur le nombre d’élèves.

Cette allocation par élève peut être majorée en fonction d’un certain nombre de critères dépendant principalement du profil des élèves (très faibles revenus ou besoins spécifiques).

Ce rééquilibrage verra une baisse des budgets actuels les plus élevés et une augmentation des plus faibles, bien que le gouvernement ait mis en place des mécanismes transitoires de protection afin d’éviter des variations significatives.

La réforme du financement a également concerné le financement des écoles « post 16 », c’est-à-dire sur les deux dernières années conduisant aux A Levels. Celle-ci a été particulièrement radicale puisqu’elle n’est plus basée sur le nombre de matières mais par élève sur une moyenne de trois A Levels soit en moyenne 600 heures d’enseignement/an. Cela a notamment pénalisé les écoles offrant plus de trois A Levels ou les écoles d’Etat offrant un bac international plus diversifié.

C’est pourquoi on assiste à la fermeture progressive de ces programmes élargis dans les écoles d’Etat qui ne sont plus viables financièrement. Cela va hélas à l’encontre de la volonté d’offrir une plus grande diversification des programmes après 16 ans. Cette recherche d’une plus grande égalité et de transparence dans le financement des écoles s’est dans les faits accompagnée de réductions budgétaires.

Si l’enveloppe consacrée à l’Education est restée relativement stable, la hausse prévue du nombre d’élèves dans les prochaines années et l’augmentation des charges liées notamment aux pensions des enseignants ne mettent que davantage de pression sur les budgets.

 

Consolidation du secteur 

Le gouvernement Cameron considère que les améliorations nécessaires doivent venir d’une plus grande efficience que d’un accroissement des dépenses.

On assiste donc en ce moment à un vaste mouvement de consolidation du secteur à travers des multi-academy trusts et autres formes de partenariat entre académies. Elles sont encouragées à se regrouper pour s’entraider, partager leur expertise, bénéficier d’économies d’échelle et d’un pouvoir de négociation accru pour les achats groupés. Ces regroupements permettent également au niveau local de partager des enseignants ou de bénéficier d’une gestion administrative et de systèmes informatiques centralisés.

Les réformes structurelles de ces cinq dernières années ont ainsi profondément transformé le paysage éducatif du pays. Après un vaste mouvement de décentralisation, on assiste maintenant à des regroupements d’écoles au sein d’entités privées et spécialisées. Certains y voient une forme de privatisation de l’Education d’Etat sur fonds publics.  

Mais, ces réformes apporte-t-elle les résultats souhaités quant au niveau des élèves ? Les académies dont les résultats se sont améliorés sont celles qui appartiennent à des réseaux de multi-academy trust ou autres groupements où le partage d’expertise et une meilleure allocation des ressources ont permis d’ajouter de la valeur et de faire face à la rationalisation des financements.

Les écoles d’Etat traversent néanmoins une période difficile. Elles ont certes davantage d’autonomie mais en échange de plus grandes responsabilités et dans un contexte où les ressources sont devenues de plus en plus limitées.

 Si la croissance anglaise est au rendez-vous (+3% en 2014), le déficit public reste colossal (5,8% comparé à 3,2% en moyenne dans l’Union européenne) et la marge de manœuvre du nouveau gouvernement quel qu’il soit sera limitée compte tenu de la nécessité de réduire les dépenses publiques et de l’augmentation prévue du nombre d’élèves estimée à 7% d’ici 2020 qui nécessitera la création d’écoles (900,000 places à créer) et la formation et le recrutement d’enseignants.

Bénédicte Yue pour Avenue des Ecoles, 7 Mai 2015

 

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