art. bilinguisme150px

Elever des enfants bilingues, un investissement personnel et financier

art. bilinguisme150pxQu'est-ce que le bilinguisme ? Vaste sujet qui a fait couler beaucoup d'encre et qui ne cesse de nous interpeller.

 

La confusion s’accentue notamment quand on devient expatrié : entre les enfants de couples mixtes, ceux qui vivent à l’étranger même temporairement et l’apprentissage poussé d’une seconde langue dès la maternelle, nous en perdons nous-mêmes notre latin !

On distingue ainsi plusieurs formes de bilinguisme :

1. Le bilinguisme tardif ou consécutif, soit l’apprentissage d’une seconde langue par un enfant ou une personne qui a déjà acquis sa langue maternelle. Cela peut être dès l’âge de 7 ans jusqu’à l’âge adulte. On utilise les acquis dans sa langue maternelle pour apprendre une deuxième langue.

2. Le bilinguisme précoce successif, soit le cas d’un enfant qui a déjà partiellement acquis sa langue maternelle et apprend une deuxième langue durant l’enfance parce qu’il déménage par exemple dans un pays où la langue dominante n’est plus sa langue maternelle.

3. Le bilinguisme précoce simultané qui concerne un enfant de couple mixte apprenant deux langues maternelles en même temps et ce dès la naissance.

On tend à croire que cette dernière forme de bilinguisme est la plus facile à acquérir : immergé dès ses premiers jours au sein d’une famille mixte, l’apprentissage de deux langues maternelles paraît être une promenade de santé et on peut tout à fait comprendre que les parents ne souhaitent pas faire de concession sur leur propre langue.

Figurez-vous cependant que c’est tout à fait le contraire et bon nombre de familles bi-nationales cherchent encore la méthode ultime pour que leurs enfants maîtrisent parfaitement leurs deux langues maternelles. Ajoutez à cela une expatriation surprise dans un pays tierce, on finit par s’arracher les cheveux ou jeter l’éponge !!

 

Pour illustrer ces difficultés, nous avons traduit cet excellent article du Japan Times. A Londres ou à Tokyo, le problème reste le même !

« Une amie américaine m’a récemment posé une question difficile : comment élever un enfant bilingue ?

Elle et son mari japonais ont un fils de 2 ans et ils ont très envie qu’il parle couramment japonais et anglais.

Ayant élevé quatre enfants qui sont bilingues en anglais et japonais, alors que j’ai vécu au Japon pendant des années avec mon épouse britannique (c’est plus dur, je vous l’assure, quand aucun des parents n’est japonais), j’ai fait le tour de la question sur ce sujet et en ai par ailleurs payé les frais. En fait, ce ne sont pas que des frais métaphoriques que j’ai payés ; vous réaliserez bientôt que le bilinguisme revient cher.

C’est une question complexe à plusieurs visages. Un Chinois, par exemple, épouse une Russe et ils vivent au Japon. Ils sont naturellement, comme tous les parents, enthousiastes à l’idée que leurs enfants parlent leur langues maternelles ainsi que de prospérer au Japon. Une Croate vit seule à Oslo. Comment fait-elle pour que son enfant, qui maîtrise couramment norvégien, parle Croate ?

Je vais limiter cet article aux familles dont un parent, le père par exemple, est japonais et la mère anglaise, bien que les mêmes principes peuvent s’appliquer de manière générale.

Au tout début de la vie de leur enfant, les parents peuvent être convaincus que c’est un succès. L’enfant va aisément distinguer les deux langues et apprendre rapidement à parler un anglais sans accent avec leur mère et un parfait japonais avec leur père. Les parents se réjouiront, persuadés d’avoir mis une déculottée au problème.

Mais attendez. Le monde d’un petit enfant tourne autour de la maison et faire ce qu’il a à faire (manger, dormir, jouer, aller aux toilettes) pour survivre, être heureux et obtenir ce qu’il veut. Le langage est le premier outil pour accomplir tout cela, et l’enfant va rapidement apprendre comment faire plaisir à ses deux parents. Le bilinguisme jusqu’à 6 ans, c’est du gâteau.

Après cela, l’enfant va à l’école et réalise aussitôt qu’il n’est pas facile d’obtenir ce qu’il veut sans aptitudes plus sophistiquées que sourire, brailler et réclamer quelque chose. La langue utilisée à l’école va passer en priorité dans son esprit.

Prenons l’exemple de mon amie Américaine et son mari Japonais. Leur fils, une fois à l’école, va être sérieusement préoccupé d’y réussir, à la fois socialement et académiquement. Il continuera à parler à sa mère en anglais pour tout ce qui est de manger, prendre le bain, dormir etc… Mais son vocabulaire anglais ne se développera pas à la même vitesse que son japonais. Il aura besoin d’une connaissance plus nuancée du japonais afin de communiquer facilement avec ses amis et ses professeurs à l’école.

Le résultat, c’est qu’un écart entre les deux langues va s’ouvrir et s’agrandir au fur et à mesure que l’enfant progresse à l’école. Comment fermer ce gouffre ?

Bien entendu, le parent anglophone devrait parler et lire en anglais autant que possible à son enfant. Organiser des groupes de jeux avec d’autres enfants anglophones et des réunions familiales aideront. Mais cela ne remplacera pas les situations à l’école où l’enfant fait son possible pour réussir dans des conditions, en réalité, assez dures.

C’est à ce moment que les frais font leur entrée.

Mon épouse et moi emmenions nos quatre enfants en Australie chaque année. Quand nous arrivions à rallonger notre séjour, nous mettions les enfants dans les écoles publiques australiennes pour améliorer leurs capacités linguistiques.

Et pourtant, ce n’était pas suffisant…

Parce que nous avions mis nos enfants dans des écoles japonaises, ils continuaient à parler japonais entre eux, même s’ils communiquaient avec nous en anglais. Nous avons finalement décidé de retourner en Australie pendant trois ans, pour leur donner des bases solides dans leur langue « native ».

Le résultat était l’anglais courant. Mais le Japonais – en particulier l’écrit – en a souffert. Nous sommes donc retournés au Japon ; et les enfants ont du faire face à de sérieux handicaps en kanji à l’école. Heureusement, ils se sont rattrapés. (Une chose qui les a aidés a été de les inscrire à des classes de tutoring japonais quand nous étions en Australie).

La morale de la saga du bilinguisme est que cela demande beaucoup de temps (vous ne pourrez pas dire que vos enfants sont bilingues avant qu’ils aient atteint l’adolescence) ; effort monumental et persévérance de la part des deux parents ; et, malheureusement, beaucoup d’argent.

Bien sûr, ça aide s’il y a des grands-parents ou autres proches qui sont prêts à vous accueillir vous et vos enfants pour de longs séjours. Ca aide aussi si vous avez une maison où aller dans un quartier dont les écoles prendront vos enfants pour quelques semaines ou quelques mois.

J’ai eu de la chance. En tant qu’écrivain sans feuille de salaire, je pouvais quitter le Japon quand les enfants étaient en vacances scolaires. Si l’un ou les deux parents sont liés par leur travail, alors cette option de va et vient n’est pas viable et la séparation est dans ces moments nécessaires.

C’est pour cela que le bilinguisme est un problème complexe. Cela exige bien plus que de chanter simplement une comptine. Une foule de questions sont liées à l’aspiration d’avoir des enfants bilingues : social, financier, émotionnel, marital.

Dans beaucoup de cas, les parents ne réussiront pas. L’enfant d’une mère Croate à Oslo pourrait conclure que, tant qu’il ou elle peut communiquer basiquement avec sa mère, il n’est pas nécessaire d’apprendre à parler le Croate couramment, voyant qu’ils sont installés probablement pour de bon en Norvège.

Il faut montrer à l’enfant l’absolue nécessité d’apprendre « l’autre » langue. Une mère vraiment désireuse que son enfant comprenne sa langue maternelle et apprécie la culture de son pays n’est pas une raison suffisante pour que l’enfant passe le cap. Les enfants doivent percevoir cette nécessité selon leurs propres points de vue ; et ces points de vue sont définis par la langue et la culture du pays où ils vivent.

Je suis sur qu’il y a beaucoup de parents lisant le JapanTimes qui désirent fervemment que leurs enfants deviennent bilingues. Je vais vous le dire, cela vaut tout cet effort. Cela le vaut vraiment. Vous n’aurez pas seulement un enfant bilingue, mais biculturel également. Cela leur donnera une tolérance supplémentaire quand il faudra comprendre les autres cultures qu’ils pourront rencontrer plus tard. Si ce n’est pas un des principaux buts de l’éducation, je ne sais pas ce que c’est.

Le bilinguisme peut être le plus beau cadeau d’éducation que vous pouvez donner à vos enfants. Ils vous seront reconnaissants pour ce cadeau. Alors tenez bon ! »

 

Article rédigé par Elisabeth Fontanille pour Avenuedesecoles.com

 

Source :
Roger Pulvers (22 mars 2009). « Raising bilingual children takes time, huge effort – and lotsa money »Japan Times, page consultée le 26 septembre 2013.

Sur les différentes formes de bilinguisme :

Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique. « Bilinguisme – types de bilnguisme ».

Si vous souhaitez participer à la prochaine conference sur le bilinguisme à Londres, le 16 novembre 2013 à l’Université de Westminster cliquez sur ce lien.

Un grand merci à Marilyn Bergère pour sa contribution.

 

Partagez l'article sur les réseaux sociaux

Share on facebook
Share on linkedin

Vous aimerez aussi nos articles récents