Avenue des Ecoles - Conférence du 9 Février 2012

L’enseignement du français et modèles de bilinguisme

Avenue des Ecoles - Conférence du 9 Février 2012Communication de M. Laurent BATUT, directeur adjoint de l'Institut français, attaché de coopération éducative près l'ambassade de France.

Le Plan école lancé en 2008 dans le cadre d’une grande réflexion du Ministère des affaires étrangères et européenne sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger a donné lieu à Londres à une déclinaison également dénommé Plan école avec trois objectifs :

L’objectif 1 est le plus connu de la communauté française : il s’agit de la création de 1500 places sous 5 ans dans l’enseignement français au Royaume-Uni, essentiellement à Londres où la pression sur les inscriptions est la plus forte.

L’objectif 2 vise la création de filières bilingues dans les établissements britanniques pour répondre à une demande différente, celle de parents français qui ne souhaitaient pas forcément que leurs enfants soient inscrits dans un établissement franco-français et par conséquent entendaient maintenir une scolarité avec un lien avec la langue française dans un établissement scolaire britannique. Ces filières répondent aussi à l’objectif de diffuser plus profondément encore l’enseignement de la langue française pour des élèves britanniques.

L’objectif 3 souhaitait, à un horizon de 5 ans, doubler le nombre des Petites écoles FLAM conçues dans le cadre du Plan école comme le premier maillon de l’enseignement bilingue dans ce pays.

I/ Avancées notables pour les objectifs 1 et 3

Avenue des Ecoles - Conférence du 9 Février 2012La rentrée 2011 a vu l’ouverture d’un nouvel établissement scolaire : le Collège français bilingue de Londres (CFBL) qui a permis la création de 110 places au niveau du collège ainsi que la réduction de 112 des effectifs « collège » du Lycée Charles de Gaulle (LCDG), autorisant l’augmentation de la capacité d’accueil dans les classes de lycée (85 places à la rentrée 2011).

On constate par ailleurs la poursuite des augmentations des effectifs dans les établissements français au regard de 2010. Il n’y a donc pas de décroissance de la demande des inscriptions. Pour autant, la décision a été prise d’arrêter de répondre à la demande. Il n’y aura, par conséquent par exemple, plus d’homologation d’écoles maternelles et élémentaires à Londres. L’objectif était de 1500 places en 2008 et aujourd’hui 903 places ont été créées. De surcroit, si le CFBL avait cette année rempli son collège, les 1000 places créées auraient été atteintes. Il s’agit là donc d’un succès.

La montée des cohortes est régulière dans le secondaire, la population française à Londres est globalement stable. Elle a tendance à s’établir pour une longue durée. On peut donc prévoir que les enfants qui rentrent en CP cette année arriveront dans 12 ans pour la plupart d’entre eux en terminale. Si nous avons 16 CP dans le réseau ce qui est la réalité aujourd’hui, dans 12 ans nous devrons être en capacité d’accueillir 16 terminales. Il s’agit là d’un défi très important dans la mesure où à l’heure actuelle il n’y a que 8 terminales au Lycée Charles de Gaulle…

Les effectifs –niveau collège- commencent à monter (+19.2%) en raison notamment de la création de classes de primaires dans les années 2000. Le lycée également a entamé sa croissance (+32.25%), ce qui exige, sachant que le lycée Charles de Gaulle est plein et que celui du CFBL sera plein d’ici un an 1/2 (quasiment à la rentrée 2012 et assurément en 2013), de créer un troisième établissement secondaire. Les réunions successives du Plan école à Londres, ouvertes à tous, organisent la mise en œuvre de ce grand projet. Elles ont permis de définir trois scenarii possibles pour son contenu pédagogique :

  • La création d’un collège unique
  • d’environ 640 places avec 5 divisions pour chaque classe. Le Lycée Charles de Gaulle n’assurerait que la scolarisation en collège de ses effectifs de primaire. Il deviendrait en outre le seul lycée de Londres alimenté par 3 collèges.

  • Un collège /école primaire
  • (équivalent du CFBL mais doté de 1140 places). Avec 18 divisions (classes) d’élémentaires soit trois divisions dans chaque classe et 20 divisions de collège. Le site de South Kensington ne conserverait qu’une petite école primaire permettant la création des classes bilingues de ses annexes.

  • Un collège/lycée
  • de 32 divisions (960 élèves), soit 20 divisions de collège et 12 divisions de lycée (3 divisions pour chaque classe).

Un gros défi que ce nouvel établissement qui va osciller entre 600 et 1200 élèves. La recherche des locaux et la configuration définitive de la structure pédagogique pour une ouverture en 2014 doivent être précisées d’ici décembre 2012.

II/ Sur l’objectif 2

Avenue des Ecoles - Conférence du 9 Février 2012Il coexiste aujourd’hui différents modèles de bilinguisme qui engendrent dans la pratique des enseignements bilingues distincts variant d’un établissement à l’autre.

A/ le bilinguisme français

Le modèle franco-français même avec un troisième établissement secondaire est à bout de souffle. En effet, il ne peut répondre à une demande croissante de la population française qui s’établit et reste en Grande Bretagne et va continuer à croître.

De plus, la situation financière des différents Etats d’Europe étant connue, la France ne pourra pas continuer à ouvrir des établissements scolaires en suivant strictement la croissance de la demande. Par ailleurs pédagogiquement, l’intérêt d’un établissement français pour des familles qui se sédentarisent en Grande Bretagne se pose. Il pourrait être préférable pour elles d’évoluer dans un milieu international, dans un modèle bilingue permettant aux enfants de concilier deux modèles, deux types d’enseignements, un enseignement en langues vivantes renforcées qui permet une évolution des enfants dans un milieu plus ouvert avec un avenir professionnel plus intéressant.

Premier modèle : le bilinguisme des écoles françaises

Le bilinguisme français dans nos établissements homologués s’organise à L’Ecole de Battersea et L’Ecole des Petits (Fulham) ainsi qu’à l’Ecole Bilingue à Paddington. Ce sont des établissements dispensant un enseignement bilingue reconnu par le ministère de l’éducation nationale.

Les deux premières écoles offrent un modèle bilingue quasiment biculturel puisque par exemple l’uniforme est de rigueur et des traditions britanniques sont également présentes. Bain culturel britannique particulier qui semble très bien fonctionner.

L’Ecole Bilingue a un modèle moins britannique mais elle inclut des morceaux du programme national britannique au sein de l’enseignement français. L’enseignement est également dispensé dans les deux langues (français et anglais). Il y a donc ici déjà des particularités distinctes dans l’approche et le contenu du bilinguisme. La chose donc à retenir est qu’un enseignement bilingue n’est pas forcément un enseignement biculturel.

L’enseignement biculturel (l’Ecole des petits s’en rapproche) demande un travail pédagogique très important ainsi qu’une implication forte des familles. Il n’existe pas de manuel scolaire d’enseignement bilingue, il faut donc coordonner les deux programmes français et anglais en même temps. Les études pédagogiques demandent par conséquent un travail de coordination extrêmement compliqué entre les deux programmes.

Deuxième modèle : le bilinguisme des sections bilingues du Lycée Charles de Gaule.

Elles ont pour caractéristique d’être des sections créées en partenariat avec des écoles britanniques où l’on a deux publics très clairement identifiés qui partagent une classe : le public français (élèves inscrits dans les deux écoles primaires de Charles de Gaulle, Wix et Marie d’Orliac) et des élèves d’écoles publiques anglaises (Wix School et Holy Cross RC Primary School). La particularité ici réside dans l’existence d’un quota de 14 élèves britanniques et 14 élèves français dans chaque classe. La particularité est d’avoir également un duo d’enseignants qui se partagent les classes, un enseignant britannique et un enseignant français, organisant les programmes français et britanniques dans une même classe avec deux ensembles, c’est donc une autre façon de travailler.

A noter que l’école de Wix arrive au bout de son développement puisque en 2012, elle verra l’ouverture du CM2 bilingue au sein son établissement.

Troisième modèle : le Collège français bilingue de Londres (CFBL)

Pour plus de simplicité, cet établissement a fait le choix de l’enseignement du programme français uniquement. Il n’existe donc pas de mélange avec l’enseignement britannique mais il est bilingue en primaire à égalité de temps scolaire dans chaque langue (50% du temps passé en français et 50% du temps passé en anglais). Dans chaque classe cohabite un titulaire de l’Education nationale et un enseignant titulaire d’un PGCE de l’enseignement britannique. Après des petits soucis, le primaire fonctionne aujourd’hui très bien.

En revanche, le collège n’est pas totalement bilingue. Il a fait le choix d’un enseignement français avec certaines matières dispensées en langue anglaise par des enseignants anglais pour tous les élèves : les arts plastiques, la musique et l’éducation physique et sportive. Une partie encore de l’enseignement histoire-géographie est dispensée en langue anglaise à laquelle s’ajoute un enseignement renforcé de la langue anglaise (4h par semaine pour tous les élèves du collège sachant que l’enseignement de la deuxième langue débute dès la 6ème).

Nous nous trouvons ici donc dans un modèle sans mélange des programmes où le choix de la « simplicité » a prévalu.

B/ Bilinguisme anglais :

L’objectif du Plan école est globalement de satisfaire des stratégies éducatives extrêmement diverses chez les parents français et d’arriver à couvrir un éventail le plus important possible pour satisfaire toutes les aspirations.

Une forme originale est l’implication du CNED dans les écoles britanniques.

C’est ce que fait la société Fast Languages dans différentes écoles (Belleville School et Ravenstone School), mais aussi l’école Hampton Court House. Dans les deux établissements précédents, les élèves francophones sont extraits des classes anglaises et donc du programme anglais pour suivre une partie du programme français via le CNED par un répétiteur agréé du CNED (Fast languages et Hampton Court House). Ce travail est relativement lourd pour les enfants qui ont des journées scolaires un peu plus longues que leurs camarades anglais. C’est un modèle qui permet aux familles françaises qui n’ont pas de place dans les établissements français de pouvoir continuer d’avoir un lien fort avec le programme français.

Autres alternatives à l’enseignement franco-français

Ensuite, il existe des initiatives municipales qui voient le jour. Un des borough de Londres, Wandsworth, dans lequel est implanté Wix, soutient une nouvelle initiative au sein de Shaftsbury Park School. Cet établissement en effet, va ouvrir une filière bilingue à partir de la rentrée 2013. Il s’agit d’une filière bilingue anglaise se rapprochant du modèle bilingue du CFBL.

Il existe encore des institutions déjà très rodées comme Hockerill Anglo-European College, école secondaire publique disposant d’un internat et qui a ouvert des sections de langues étrangères renforcées en allemand et en français. Ces filières secondaires ont la particularité d’avoir 30 à 35% de l’ensemble des enseignements en langue française ou en langue allemande selon la section dans les premières années du collège. C’est essentiellement l’enseignement de l’histoire et de la géographie qui sont dispensés en langue étrangère. Cet établissement fonctionne ainsi depuis une quinzaine d’années. Certains élèves anglais ayant suivi la scolarité depuis le début ont acquis un niveau de français impressionnant.

Il existe aussi le modèle européen avec l’Europa School UK (Culham), qui tire son enseignement du modèle du baccalauréat européen. Il a pour particularité d’avoir un enseignement renforcé en langue étrangère mais également un enseignement en langue étrangère à plusieurs niveaux, avec la langue principale (l’anglais, l’allemand ou le français) et ensuite deux langues vivantes autres qui seront les deux restantes.

Enfin, des discussions ont été entamées avec le ministre de l’éducation anglais, Michael Grove, Secrétaire d’Etat qui manifeste de l’intérêt dans les enseignements bilingues. Un accord a été signé à l’automne 2011 dans lequel l’enseignement des langues vivantes et le développement du bilinguisme sont explicitement cités. 5 a 8 écoles, qui souhaitent se lancer dans l’enseignement bilingue avec l’introduction d’une dose entre 15 et 30% des enseignements dispensés en langues étrangères ont été à ce jour identifiées. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui touche au cœur de la relation éducative qui lie nos deux pays.

Partagez l'article sur les réseaux sociaux

Share on facebook
Share on linkedin

Vous aimerez aussi nos articles récents